Durant les jours sombres de la seconde guerre mondiale, la Suisse fut contrainte de constituer, dans les pires circonstances, sa propre flotte de haute mer. Cette histoire est pratiquement inconnue du grand public. Il fallut alors, de toute urgence, légiférer sur la navigation de haute mer, condition indispensable pour créer une petite flotte. Ce ne fut qu’un épisode secondaire de la seconde guerre mondiale, à peine remarqué par la population de notre pays enclavé. C’était le combat d’une petite nation pour survivre dans une période turbulente et tumultueuse, face à une catastrophe que le monde n’avait jamais connue. Ce récit est donc loin d’être exhaustif, mais il éclaire certains aspects d’une histoire complexe.
Au XIXe siècle, notre gouvernement avait reçu de nombreuses propositions et requêtes exigeant de la Confédération qu’elle introduise officiellement le pavillon suisse de haute mer. Elles émanaient surtout de négociants ou de sociétés de commerce suisses qui avaient créé des filiales ou des entreprises dans des villes portuaires d’Europe ou d’outre-mer. Certaines avaient leurs propres navires battant pavillon de leur résidence à l’étranger. Quelques industriels et sociétés commerciales en Suisse avaient aussi des navires de haute mer arborant des pavillons étrangers.
D’autres exigeaient d’acheminer les Suisses, de plus en plus nombreux, a vouloir partir pour l’Amérique du Nord, dans des navires sous pavillon suisse afin de leur épargner les affres du trajet sur les bateaux d’émigrants. Il y avait aussi un grand nombre de Suisses enrôlés sur des navires étrangers, certains ayant le grade d’officier, voire de capitaine.
Tous ces groupes justifient leurs demandes par le fait que la Suisse aurait, grâce à son pavillon, un meilleur contrôle sur ces navires – ce qui était vrai, dans une certaine mesure. Mais cela n’aurait été possible que si un droit maritime internationalement reconnu garantissait la sécurité des navires d’une nation dépourvue de façade maritime. Malheureusement, une législation de ce genre n’existait pas à l’époque et n’était d’ailleurs pas même prévue. Chaque pays doté d’une flotte avait ses propres lois maritimes et les utilisait à son avantage.
C’était certainement la principale raison pour laquelle le gouvernement suisse ne montrait guère d’intérêt à légiférer. Il exigea cependant que divers ambassades et consulats situés dans des pays dotés d’une flotte lui fournissent un rapport sur la possibilité d’enregistrer et faire circuler des navires sous pavillon suisse. Une demande similaire fut adressée aux ministres des affaires étrangères de 17 nations maritimes. Les rapports des ambassades et des consulats étaient surtout sceptiques. Notre consul au Havre s’exprima en termes très explicites, trouvant cette idée ridicule. Les ministres de la plupart des pays s’abstinrent, attendant la réaction de la France, pour vraisemblablement s’aligner dessus. Finalement, Berne abandonna lui-même cette idée.
- La première guerre mondiale
Durant la première guerre mondiale, la Suisse était entourée de pays belligérants et donc isolée. Notre pays, privé de matières premières notables, était tributaire de ses importations. Les livraisons en provenance d’Europe centrale étaient interrompues par le blocus des alliés et par la guerre dans les Balkans. La nécessité d’importer des marchandises d’outre-mer s’imposait, mais les tonnages se réduisaient à cause des attaques sous-marines, faisant grimper les taux d’affrètement et les prix des marchandises importées.
Le gouvernement suisse et quelques entrepreneurs privés essayèrent d’affréter des capacités et d’acquérir des navires sous pavillon neutre. La flotte marchande mondiale était en grande partie sous le contrôle d’Interallied Chartering Executive à Londres. Après des négociations longues et difficiles, on proposa à la Suisse un contrat pour utiliser 12 navires, affichant en moyenne les 5000 tjb. Mais cette offre était, d’emblée, largement théorique, car en automne 1917, la Suisse ne disposait plus que de 30 000 tjb et encore : certains navires lui étaient retirés au dernier moment pour être affectés à des transports militaires !
En mars 1917, le gouvernement suisse créa un office central, appelé FERO, pour régler les problèmes d’import/export. La principale tâche du FERO consistait à organiser le transport et l’importation de denrées alimentaires et d’autres biens vitaux pour le pays. Le FERO a pu passer un contrat de livraison des céréales avec le bureau US War Transport Office. Ces céréales furent acheminées vers des ports européens neutres grâce à des navires américains, parfois même des voiliers. Ces navires devaient hisser sur leur mât avant un drapeau suisse tendu et sur leur coque, on avait peint en grosses lettres le mot SUISSE. On espérait naïvement éviter par là une attaque de sous-marins allemands. Un peu plus tard, lorsque les Etats-Unis entrèrent en guerre, ce contrat était devenu caduc.
La situation devint alors des plus critiques et diverses délégations suisses à Londres et à Paris essayèrent désespérément d’obtenir des tonnages maritimes. Ces négociations n’aboutirent malheureusement pas, on expliqua aux Suisses qu’ils devaient se débrouiller seuls. Il y eut d’autres tentatives comme de fonder une société d’armement néerlando-suisse qui utiliserait les navires hollandais échoués dans les ports américains. Mais ce plan ne peut pas non plus être mis en œuvre car une fois entrés en guerre, les Etats-Unis confisquèrent ces navires en vertu des Angary Rules.
Déjà que la Suisse manquait de biens vitaux, ces échecs en matière de capacités maritimes lui assenèrent le coup de grâce : le pays était en état d’alerte, paniqué par sa propre vulnérabilité. Tout effort pour améliorer la situation, quels que soient les dangers encourus, semblait justifié. Et c’est aussi pour cette raison qu’on échafauda un projet nommé Société suisse des transports maritimes. Une flotte de 28 navires - dont certains n’étaient pas même construits - devait être affrétée par une société d’armement belge. Les frais auraient été partagés entre le gouvernement suisse et quelques entreprises privées. Après de longs atermoiements, un tiers environ de la flotte fut mis en service au printemps 1919 et le reste fin 1919. Mais comme la guerre se termina en novembre 1918, il y eut un excédent de capacités maritimes. Les taux d’affrètement qui avaient précédemment grimpé en flèche connurent une chute tout aussi spectaculaire. L’entreprise helvético-belge s’effondra elle aussi et fut liquidée en 1921.
Les expériences de la 1ère guerre mondiale avaient clairement montré qu’il fallait à la Suisse une petite flotte marchande sous son propre pavillon. Toutefois notre pays suivit l’opinion dominante à l’Ouest, selon laquelle commençait enfin une ère nouvelle, celle de la paix éternelle. La Suisse réduisit alors son armée à un strict minimum. Ainsi on abandonna pour toujours, semble-t-il, l’idée d’une flotte de haute mer suisse. C’était compréhensible, même si cela s’avéra naïf et à courte vue.
En mars 1933, la NSDAP accéda au pouvoir en Allemagne; le programme d’armement massif et la politique étrangère agressive d’Hitler entraînèrent de gros remous en Europe. Pour les observateurs critiques et avisés, il était déjà clair que la guerre n’allait pas tarder à éclater. Le gouvernement suisse était décidé à ne pas répéter les erreurs commises pendant la 1ère guerre et il dressa en cachette des plans pour trouver les moyens de survivre à une nouvelle guerre.
Il mena des discussions avec les gouvernements des pays voisins pour qu’ils permettent aux navires acheminant des biens vers la Suisse d’utiliser leurs ports. Après de longues et difficiles tractations, notre pays obtint certains résultats probants. D’autres discussions concernaient les problèmes de transport terrestre entre ces ports et la Suisse. En temps de paix, une grande partie des importations, notamment les marchandises en vrac, étaient acheminées par navires fluviaux, partant d’Anvers, Rotterdam et Amsterdam pour remonter le Rhin jusqu’à Bâle. En outre, l’Allemagne nous fournissait en matières premières (engrais, carburants liquides, charbon, etc.). Et ces marchandises étaient elles aussi acheminées principalement par navires, sur le Rhin. Il était fort improbable que la navigation rhénane jusqu’à Bâle puisse être autorisée en temps de guerre aussi. Et effectivement, dès le début des hostilités, les Allemands fermèrent le Rhin à la navigation marchande.
- La seconde guerre mondiale
ALe 1er avril 1939, le gouvernement ordonna à Berne le stockage de céréales. Lorsque l’Allemagne envahit la Pologne, le 1er septembre, avec l’aval de l’Union soviétique, on mit en œuvre certains plans préparés. Outre la mobilisation générale, une autorité spéciale, chargée de l’économie de guerre, commença ses activités le 4 septembre. Une de ses subdivisions était l’OGT soit l’Office de guerre pour les transports (sic).
Comme nous l’avons déjà signalé, la Suisse n’a pas de matières premières, elle ne dispose que de l’énergie hydraulique pour fabriquer de l’électricité. Elle doit donc importer tous les biens requis pour faire tourner son économie et son industrie. Le pays, avec ses 4 millions d’habitants, était densément peuplé pour l’époque et ne pouvait pas nourrir sa population. F.T. Wahlen, professeur d’agriculture à l’EPFZ, fut chargé par le Conseil fédéral de trouver des solutions au problème alimentaire. Il montra que l’on pouvait nourrir bien plus de personnes si elles mangeaient directement des produits céréaliers (comme le pain), au lieu de donner ces céréales au bétail ou à la volaille qui fourniraient ensuite de la viande à la population. Les conséquences étaient limpides et la Suisse se lança vite dans la bataille des champs. Le cheptel se réduisit de façon drastique et chaque lopin de terre devait être planté de céréales, pommes de terre et légumes.
Simultanément on introduisit un rationnement strict, pas seulement pour les aliments mais pour d’autres biens comme le cuir, les textiles, les métaux, les combustibles liquides de tout genre, le charbon, les engrais, etc. Comme on ne trouvait plus de cuivre, on fabriquait les conducteurs électriques en aluminium qui s’avérait cassant, difficile à souder et en outre cher. Les automobiles privées devinrent très rares, la plupart avait été réquisitionnées par l’armée qui manquait cruellement de moyens de transport. Les particuliers n’obtenaient pratiquement pas d’essence et les véhicules de livraison et les bus fonctionnaient au carbure ou avaient des carburateurs à bois. Le rationnement alimentaire s’appliquait aussi aux œufs et à la fin, on ne recevait qu’un œuf par personne et par mois. Le pain contenait près de 50 % de fécule de pommes de terre et ne devait être vendu que deux jours après cuisson. En 1944, les rations furent réduites au strict minimum, soit nettement moins de 2000 calories par jour, mais personne ne se plaignait. Le rationnement a duré même après la guerre : il ne fut supprimé que le 1er juillet 1948.
Toutes ces mesures ne suffisaient pas pour s’approvisionner. Le gouvernement suisse avait vite réalisé qu’il lui fallait une petite flotte de navires marchands pour transporter des aliments et des matières premières d’outre-mer vers la Suisse. Seuls les navires arborant le pavillon de « nations neutres en permanence » entraient toutefois en ligne de compte. Le 15 septembre 1939, le gouvernement put signer à Londres un contrat d’affrètement à temps avec la société d’armement grecque Rethymnis & Kulukundis Ltd. Cela signifiait que la Suisse disposerait, à compter du printemps 1940, de 15 navires sous pavillon grec jusqu’à la fin de la guerre.
Du 1er septembre 1939 à mai 1940, les relations entre la Suisse et le troisième Reich étaient étonnamment calme. Cela permit à notre pays d’accroître ses importations et de constituer des stocks de nombreux biens requis. L’industrie d’armement suisse faisait des heures supplémentaires pour honorer les commandes des alliés, car elle pouvait encore faire acheminer les armes par la France. L’Allemagne ne passant pas de commande d’armes, le reste était pour l’armée suisse. Au début de la guerre, notre armée était mal équipée, ses armes provenant de la première guerre voire du siècle précédent. De nos jours, il semble paradoxal que nos importations d’acier, de charbon et autre en provenance d’Allemagne permettaient alors d’honorer les commandes des alliés.
Une fois que l’Allemagne eut envahi les Pays-Bas, la Belgique, le Luxemburg et la France en mai 1940, la Suisse s’est retrouvée totalement encerclée par les puissances de l’Axe. La position de l’Allemagne changea immédiatement et les dépêches de Berlin à Berne furent de plus en plus glaciales, voire menaçantes. La mission commerciale suisse à Berlin fut confrontée à des exigences dures et irréalistes. Berlin savait pertinemment que la Suisse ne pouvait s’approvisionner en matières premières vitales qu’à une seule source, l’Allemagne. Comme semonce, le troisième Reich stoppa toutes ses livraisons de charbon à la Suisse et exigea qu’elle lui remette le matériel de guerre commandé par les alliés. Werner Rings, historien suisse (1910 - 1998) écrivit « Le troisième Reich était capable d’étrangler la Suisse sans tirer la moindre cartouche » (sic). Les négociations pour obtenir les diverses autorisations de transit requises pour les navires ainsi que les autorisations pour importer des marchandises d’Allemagne devinrent de jour en jour plus difficiles. Il fallut faire des concessions dont l’une était le black-out du pays pour compliquer la navigation des avions alliés.
Il était inévitable que les quelques pays neutres d’Europe s’attirent la méfiance et la suspicion des deux camps pendant le conflit. Les alliés comme les Allemands reprochaient constamment aux Suisses d’appuyer leurs ennemis. C’était un cas classique où l’on se retrouvait « entre le marteau et l’enclume ». Toutefois, certains alliés se montrèrent moins sévères, comme Churchill dans ses mémoires.
Lorsqu’en juin 1940, l’Italie déclara la guerre à la France et à l’Angleterre, l’accès des navires suisses à la Méditerranée fut coupé. La Grèce exigea de la Suisse qu’elle lui rende les navires affrétés. Finalement, elle accepta de lui en laisser 10. L’Angleterre arrêtait cependant dans des ports à l’ouest de Gibraltar tous les navires, quel que soit leur pavillon, transportant des marchandises pour la Suisse. Au bout de sept mois, elle les autorisa à décharger leur cargaison dans des ports ibériques (surtout à Lisbonne). Les pertes financières pour la Suisse et les armateurs impliqués avoisinèrent les millions. Au début, la cargaison fut acheminée vers Gênes ou Marseille par de petits caboteurs portugais. Plus tard, on organisa des transports par voie terrestre, avec des centaines de wagons espagnols et suisses, mais aussi des convois de camions. Comme l’écartement des voies ferrées espagnoles est supérieur à celui des autres pays d’Europe occidentale, il fallait transborder les marchandises à la frontière ibéro-française.
L’Italie, qui occupait l’Albanie depuis le 7 avril 1939, envahit la Grèce le 28 octobre 1940. De ce fait, les ports italiens furent définitivement fermés aux navires sous pavillon grec. Comme la guerre sous-marine s’était accrue dans l’Atlantique Nord, il y avait une pénurie de tonnages maritimes. Ainsi, il devint de plus en plus dur d’importer en Suisse des aliments et d’autres biens vitaux.
- Un nouveau drapeau sur les mers
En été 1940, la Compagnie suisse de navigation SA avait déjà acheté deux cargos, CALANDA et MALOJA arborant le pavillon panaméen. La maison André & Co. à Lausanne (ou plutôt sa filiale Suisse Atlantique SA), important négociant en céréales, acheta le vapeur ST. CERGUE, lui aussi enregistré au Panama. Ces deux sociétés demandèrent au gouvernement fédéral de les enregistrer sous pavillon suisse, ce qui leur fut refusé. L’argument avancé était qu’il n’y avait pas de nécessité immédiate et que les coûts administratifs et financiers auraient été disproportionnés pour une si petite flotte. Du reste, il n’existait toujours pas, à l’époque, de législation relative à la navigation maritime.
Les menaces militaires et les évolutions politiques en Europe entraînèrent toutefois un revirement de pensée. En janvier 1941, le Conseil fédéral chargea Robert Haab, un professeur bâlois, de mettre au point un projet de loi maritime. Monsieur Haab étudiait depuis 1922 la législation maritime de divers pays importants et était considéré comme un expert en la matière. Grâce à son savoir et son expérience, il réussit à rédiger une ordonnance en 30 jours environ. L’arrêté du Conseil fédéral sur la navigation maritime sous pavillon suisse fut approuvé et mis en vigueur le 9 avril 1941.
Il ne restait plus qu’un problème à régler : très peu de navires étaient à vendre sur le marché. Le plus souvent, ils étaient vieux au point de n’être parfois que des épaves flottantes. Et pourtant, ils étaient horriblement chers, coûtant 10 à 20 fois plus qu’avant la guerre. La Suisse n’avait toutefois pas d’autre choix que d’acheter les « meilleurs » pour les réparer, les rééquiper et les remettre en état de naviguer. Les coûts impliqués étaient énormes, mais ils étaient justifiés par l’urgence.
Au début 1941, les navires grecs affrétés par la Suisse furent confisqués par la Grande-Bretagne sous prétexte que notre pays pourrait obtenir plus tard des tonnages sur les navires de lignes réguliers. On lui suggéra aussi de réduire son style de vie et d’adapter son économie au niveau de celle des belligérants. Finalement, Londres accepta de laisser à la Suisse dix navires grecs à condition qu’ils ne passent pas le détroit de Gibraltar et n’accèdent pas à la Méditerranée. Apparemment, cette règle s’appliquait à tous les navires neutres en mains privées. De ce fait, Conseil fédéral décida de devenir lui-même armateur via l’Office de guerre pour les transports (OGT). L’OGT put acheter quatre navires, soit un total de 27 230 tonnes tpl, et les enregistra sous pavillon suisse pour les exploiter. Ces navires furent aussi utilisés pour acheminer des paquets de la Croix rouge britannique et américaine ainsi que du courrier pour les prisonniers de guerre. Comme les volumes transportés pour la Croix rouge n’arrêtaient pas d’augmenter, il restait de moins de moins de place pour la cargaison initialement prévue pour ces navires. Dès lors, le Comité international de la croix rouge (CICR) à Genève décida d’acheter ses propres bateaux. Via une fondation du CICR créée tout spécialement à Bâle, trois navires furent achetés, enregistrés sous pavillon suisse et exploités par la Compagnie suisse de navigation SA. L’histoire complexe des navires de l’OGT et du CICR ne peut être racontée ici, par manque de place. Disons simplement qu’une fois la guerre terminée, l’OGT vendit ses navires à des armateurs suisses privés et que le CICR rendit les siens aux sociétés d’armement qui les détenaient auparavant.
Liste des navires achetés par la Suisse pendant la guerre et exploités sous pavillon suisse :
n° de registre |
nom du navire /
armateur, opérateur |
année de construction |
tpl / vendu ou perdu (coulé) |
année d’achat /
de vente ou perte |
1 |
s/s CALANDA
Compagnie suisse de navigation, Bâle |
1913 |
7400
vendu |
24.4.1941
12.11. 1946 |
2 |
s/s MALOJA
Compagnie suisse de navigation, Bâle |
1906 |
2750
perte totale |
24.4.1941
19.4.1944 |
3 |
s/s ST. GOTTHARD
OGT, Berne / Nautilus AG, Glarus |
1911 |
8339
vendu |
6.5.1941
29.7.1954 |
4 |
s/s GENEROSO
Maritime Suisse SA, Bâle |
1896 |
2150
perte totale |
29.5.1941
29.3.1946 |
5 |
s/s ST. CERGUE
Suisse Atlantique SA, Lausanne |
1937 |
7600
vendu |
10.7.1941
17.3.1952 |
6 |
s/s CHASSERAL
OGT, Berne / Nautilus SA, Glarus |
1897 |
4064
vendu |
17.7.1941
8.10.1951 |
7 |
m/s SAENTIS
OGT, Berne / Nautilus SA, Glarus |
1915 |
6690
vendu |
12.12.1941
30.9.1963 |
8 |
s/s EIGER, aprés CRISTALLINA
OGT, Berne, Cie suisse de navig., Bâle |
1929 |
8137
vendu |
30.12.1941
7.1.1949 |
9 |
s/s ALBULA
Compagnie suisse de navigation, Bâle |
1910 |
2030
vendu |
26.2.1942
18.12.1945 |
10 |
s/s LUGANO
Nautilus SA, Glarus |
1898 |
9200
vendu |
29.4.1942
13.4.1948 |
11 |
s/s CARITAS I
Fondation CICR, Bâle* |
1903 |
3950
rendu** |
5.5.1942
2.6.1945 |
12 |
s/s ZUERICH
Maritime Suisse SA, Bâle |
1893 |
2800
perte totale |
30.3.1943
16.12.1946 |
13 |
s/s CARITAS II
Fondation CICR, Bâle* |
1929 |
3950
rendu** |
17.3.1944
2.6.1945 |
14 |
s/s HENRY DUNANT
Fondation CICR, Bâle* |
1910 |
8500
rendu** |
28.9.1944
24.10.1945 |
* fondation du Comité international de la croix rouge, Bâle
** navires rendus à leur précédent propriétaire
Selon le droit international, chaque navire doit avoir un port d’attache ou d’enregistrement dans le pays dont il arbore le pavillon. Ainsi Bâle devint le port d’origine de tous les navires suisses et le siège de l’Office suisse de la navigation maritime et du registre suisse des navires de haute mer. La loi suisse sur la navigation définit des règles claires pour inscrire un bateau dans le registre des navires de haute mer : le propriétaire, l’exploitant et le personnel habitant en Suisse doivent être de nationalité suisse ; tous les actionnaires doivent être suisses et au moins ¾ des actions et du capital doivent appartenir à des citoyens suisses vivant en Suisse.
LISTE DE NAVIRES AFFRÉTÉ
- Le problème de l’équipage
Il y avait un problème évident, l’équipage des navires pendant la guerre. Théoriquement, on ne pouvait embaucher que des ressortissants de pays neutres. A bord des navires, on comptait un grand nombre de Portugais, mais aussi des Belges, Danois, Hollandais, Estoniens, Grecs, Norvégiens, Pologne, Espagnols, Suédois, Suisses et des Russes blancs. Ces derniers constituaient un problème spécial car ils s’étaient réfugiés en France bien avant l’occupation allemande. Ils étaient apatrides et n’avaient pour la plupart que des passeports Nansen, voire aucuns papiers. C’est pour cette raison qu’on leur interdisait le plus souvent de descendre à terre lorsque les navires faisaient escale.
Les Suisses pouvaient trouver divers emplois sur ces navires, certains étaient officiers du pont, officiers-mécaniciens, d’autres matelots, stewards, cuisiniers, chauffeurs ou graisseurs. Toutefois à cette époque, il n’y avait qu’un seul capitaine suisse. Il s’agissait de Fritz Gerber, né en 1895, qui s’était enrôlé à 18 ans sur un voilier à Brême. Il navigua pendant 10 ans sur des grands voiliers, suivant la route traditionnelle entre l’Europe et l’Australie qui passe par le cap de Bonne Espérance et le cap Horn. Ensuite, il fut pendant 11 ans capitaine chez Lloyd d’Allemagne septentrionale (Brême), sur des lignes allant vers l’Extrême Orient et la Sibérie. Les 5 dernières années, Gerber avait été capitaine d’un baleinier allemand dans l’Antarctique. Lorsque la 2de guerre mondiale éclata, il fut d’abord capitaine sur le vapeur ST. CERGUE, puis l’EIGER, qui fut ensuite rebaptisé CRISTALLINA. En 1948, Gerber reprit l’ASCONA, navigant sous le pavillon d’Honduras puis en 1952, il prit le commandement du GENERAL DUFOUR. Malheureusement, la même année, il mourut d’un infarctus dans le port de Taltal au Chili.
Les seuls spécialistes à recevoir une formation complète en Suisse furent les opérateurs radio. Le poste d’opérateur radio à bord d’un navire était considéré comme très important et on entreprit tous les efforts imaginables pour placer des opérateurs radio suisses sur nos navires. Leur formation était assurée par Radio Suisse SA à Berne, l’ancêtre de Swisscom. Une « station radio côtière » suisse, avec l’indicatif d’appel HBZ, fut installée à l’aéroport militaire à Dübendorf, près de Zurich. En 1949, cette station fut transférée au nouvel aéroport civil de Zurich-Kloten avec l’indicatif HEZ. En 1963, la station côtière fut encore déplacée, sur Berne, avec l’indicatif HEB. Cette station était aussi équipée d’une radio à ondes courtes pour les avions (LDOC = Long Distance Operational Control).
- L’exploitation des navires
Ce qui posait des problèmes, ce n’était pas seulement l’équipage, mais aussi les réparations et l’approvisionnement en vivres, pièces de rechange et matériaux consommables. Il était difficile, sinon impossible, d’exploiter des navires en période de guerre. Les deux camps organisaient des blocus maritimes. Outre les documents usuels des navires, chaque bâtiment sous pavillon suisse devait avoir une énorme quantité d’autorisations, documents et certificats (Ship Warrants, Navicerts, etc.), émis pour un voyage. Et chaque trajet devait être précisément déclaré aux alliés et aux autorités allemandes.
Les navires portaient sur sa coque, des deux côtés, le mot SWITZERLAND en grandes lettres blanches, bien éclairées de nuit. Le drapeau suisse était peint sur la superstructure partout où c’était possible. Les alliés et les Allemands avaient établi divers points de contrôle pour arrêter et contrôler les navires. Beaucoup de règles et consignes restrictives étaient en vigueur. Les membres de l’équipage n’avaient pas le droit d’avoir des carnets de notes, journaux intimes, croquis, aliments, cigarettes, appareils photo, etc. Si ces articles étaient découverts, ils étaient confisqués.
Une histoire illustre bien ces contrôles, celle de Jakob Wismer et Ernst Wyler, deux opérateurs radio qui partirent de Bâle en janvier 1944 pour être enrôlés à Lisbonne. Ils durent prendre un train de la Wehrmacht, seuls civils parmi des centaines d’officiers et soldats allemands. Jusqu’à la frontière franco-espagnole, ils durent rester assis dans un compartiment à éclairage camouflé alors que le trajet jusqu’à Irun durait 65 heures à l’époque. Ernst Wyler avait trois manuels avec quelques notes manuscrites sur les appareils radio maritimes. Pour les prendre avec lui, il avait dû demander une autorisation à l’ambassade allemande mentionnant : « contenu vérifié : objet anodin mais utile, peut être emporté personnellement jusqu’au Portugal le 3 janvier 1944. Vu l’urgence du voyage, plus possible de l’expédier par la poste », signé « Berne, le 31 décembre 1943, la légation allemande ».
La guerre maritime ne pouvait épargner les navires opérant pour la Suisse. Malgré le petit nombre de cargos, toutes les mesures de précautions et les marquages, les navires furent attaqués par voie maritime ou aérienne. Et ils n’étaient jamais à l’abri d’une mine.
Le vapeur grec MOUNT LYCABETTUS, affrété par la Suisse, quitta Baltimore le 11 mars 1942 en direction de Leixoes au Portugal, où il n’arriva jamais. Ce navire disparut avec son équipage sans laisser de trace et toutes les recherches restèrent vaines. On suppose qu’un U-373 coula le vapeur le 17 mars 1942.
Un autre navire grec, l’HADIOTIS, s’échoua le 15 février 1941 près de Leixoes, au Portugal. L’épave fut rachetée par l’OGT, renflouée et réparée. Ce navire fut mis en service en automne 1942, sous le nom d’EIGER et sous pavillon suisse.
Le MALOJA fut coulé – officiellement par mégarde – le 7 septembre 1943, par des avions anglais près de la Corse. Trois marins périrent.
Le CHASSERAL fut attaqué en Méditerranée par des avions anglais. Un marin fut tué, quatre autres gravement blessés. Le vapeur, fortement endommagé, fut remorqué jusqu’à Sète pour y être réparé.
Le vapeur ALBULA mouilla à Marseille le 21 juillet 1944, peu avant la libération de la ville par les troupes alliées. Le navire devait embarquer des marchandises bloquées à Marseille pour les transporter dans un port sûr, comme Barcelone. En outre, on devait effectuer de grosses réparations. Dans la nuit du 20 au 21 août 1944, les troupes allemandes qui se retiraient firent exploser le mur du quai, ce qui endommagea fortement le vapeur qui coula. En outre, une grande grue portuaire tomba sur l’ALBULA, aggravant les dégâts. L’équipage avait été évacué avant les explosions dans une école située à 4 kilomètres. En février 1945, l’épave fut remontée et remorquée jusqu’à Lisbonne pour y être vendue.
Le 14 septembre 1944, des unités de la marine française et américaine étaient en train de draguer des mines dans le port de Marseille. On avait alors avisé le capitaine Gouretzky de déplacer son vapeur, le GENEROSO, de quelques centaines de mètres dans le bassin portuaire pour le mettre en lieu sûr. Pendant la manœuvre, le navire passa sur une mine. L’explosion, très forte, eut lieu au milieu du navire si bien que le capitaine et le radio Christian Schaaf, qui étaient sur le pont, furent projetés dans l’eau. Le capitaine fut tué et le radio, grièvement blessé, en réchappa. Le navire sombra, en perte totale.
Parmi les aspects positifs, on peut noter que les navires suisses ont pu sauver des survivants de bateaux torpillés et coulés. Pendant la guerre, le ST. CERGUE a ainsi, sous la direction avisée du capitaine Gerber, sauvé la vie de plusieurs centaines de personnes.
Un épisode typique se déroula en juin 1942, alors que le ST. CERGUE – parti de New York pour Gênes – put sauver 214 survivants du vapeur hollandais JAGERSFONTAIN, coulé à l’Ouest de l’Atlantique nord. Parmi les rescapés se trouvaient des officiers des forces armées américaines et le capitaine Gerber avait peur qu’ils ne soient découverts si l’équipage d’un sous-marin allemand devait fouiller le navire. Il leur ordonna donc de jeter par dessus bord leurs casques en acier trop voyants et de rester tout le temps sous le pont. Une heure et demie plus tard, le ST. CERGUE était stoppé par un sous-marin allemand, qui avait fait le tour du vapeur puis s’était présenté parallèlement à la coque. Le commandant allemand demanda si tout allait bien et pourquoi le navire avait dévié de son cap. Le capitaine Gerber put dissimuler son inquiétude et répondit calmement que son navire avait rencontré des courants transversaux inattendus. Satisfait de cette explication, le commandant allemand n’insista pas pour fouiller le navire et l’autorisa à poursuivre sa route.
- Après-guerre, période transitoire
Bien avant la fin de la 2e guerre mondiale, les milieux intéressés discutèrent avec ardeur en Suisse pour savoir si le pays devait avoir ou non sa propre flotte de haute mer en temps de paix. Dès 1943, l’association des transitaires suisses refusa violemment car elle craignait de perdre alors des taux de fret fixés à long terme et avantageux. L’association des armateurs suisses était, à l’opposé, convaincue qu’elle devait poursuivre ses activités après guerre. Le gouvernement fédéral appuyait l’opinion des armateurs, vu que l’avenir politique et militaire de l’Europe semblait des plus incertains.
Comme on pouvait s’y attendre, l’armistice du 8 mai 1945 n’apporta aucune amélioration immédiate des conditions de navigation en haute mer. Lisbonne et les ports français de Méditerranée restèrent les principaux lieux de transbordement pour les marchandises destinées à la Suisse. En automne 1945, les ports d’Anvers, Savone et Gênes, dûment déblayés et déminés, reprirent leurs activités. En août 1945, les alliés avaient créé un pool de navigation maritime, nommé United Maritime Authority (UMA). Il visait surtout à rapatrier en bon ordre le personnel et le matériel militaire stationnés en Europe. A cette époque, l’intérêt principal des alliés, notamment des Américains, s’était déplacé vers le Pacifique, afin de mettre fin au plus vite aux hostilités. Les navires de l’UMA étaient donc en ballast à leur retour vers l’Europe. Ces tonnages disponibles furent proposés aux gouvernements européens à des prix avantageux. On attribua dix navires à la Suisse pour qu’elle couvre ses besoins les plus urgents. Ainsi charbon, coton, bauxite, aluminium, soufre, acier, cuivre, céréales, sucre et autres furent acheminés vers Gênes, Savone et Anvers.
Les navires de l’UMA comblèrent largement le manque de tonnages qui avait marqué en permanence l’époque de la guerre. Toutefois, dans le chaos de l’après-guerre, le plus dur était d’acheminer la cargaison entre les ports maritimes et la Suisse. Non seulement les ports ne fonctionnaient pas à plein régime, mais la plupart des liaisons ferroviaires et routières en Europe étaient soient détruites, soit fortement endommagées et donc le plus souvent inutilisables. En outre, les moyens de transport manquaient cruellement.
Heureusement, la navigation fut rouverte sur le Rhin en février 1946 et on pouvait éviter les mauvaises routes et voies ferrées défectueuses. En transbordant directement les marchandises des navires maritimes sur les navires fluviaux dans les ports de Rotterdam et d’Anvers, par exemple, on réduisit aussi la pression sur les installations portuaires.
En mars 1946, l’UMA fut dissoute. Lentement, la situation se normalisait dans les transports maritimes. La Suisse pouvait enfin liquider les dépôts de carburants qu’elle avait constitués dans les ports de Lisbonne, Las Palmas et Funchal. Entre février et avril, l’OGT vendit aussi ses quatre navires à des armateurs suisses (cf. tableau p. 6). Les affrètements à temps des navires grecs furent peu à peu résiliés et ces navires retournèrent à leurs propriétaires.
- Evolution et consolidation
Le gouvernement fédéral et les armateurs convinrent que deux tâches étaient prioritaires : premièrement, il fallait moderniser la flotte et deuxièmement, il fallait augmenter les tonnages. Presque tous les navires achetés pendant la guerre étaient vieux, lents, petits et peu efficaces, donc chers à exploiter. Leur consommation de carburant était très élevée et totalement disproportionnée vu leur allure. De plus, ils n’étaient pas fiables, tombant souvent en panne, ce qui entraînait des pertes de temps, des coûts supplémentaires et parfois des situations dangereuses.
Lorsqu’en juin 1950, la guerre éclata en Corée, les taux d’affrètement pour le vrac grimpèrent de 100 % voire plus. Si la guerre devait se propager, la Suisse ne pourrait à nouveau compter que sur sa propre flotte pour transporter des matières premières. Toutefois, cette flotte était trop petite vu qu’elle ne comptait que dix vieux navires pouvant transporter 70 000 tonnes environ. L’association des armateurs suisses élabora un plan pour accroître de 60 000 tonnes ces capacités de chargement. Le gouvernement fédéral décida de créer une subvention unique, sous forme de crédits avantageux sur le long terme. Ces crédits couvraient près de 75 % des frais de construction ou du prix d’achat des navires, mais les conditions étaient très strictes. On ne pouvait pas revendre ces navires pendant dix ans, sauf autorisation étatique. Le type de navires à acheter était clairement défini : ils devaient être de conception moderne, faire au moins 12 nœuds et être maintenus dans un état impeccable tant qu’ils naviguaient sous pavillon suisse. En deux étapes, on put construire et acheter 12 navires pour 78,2 millions de francs suisses. Leur capacité de chargement avoisinait les 100 000 tonnes. D’autres navires furent achetés ou commandés avec des fonds privés. Au 31 décembre 1952, la flotte sous pavillon suisse comptait 36 unités, d’une capacité totale de 207 291 tonnes et de 13 ans en moyenne.
Il fallut naturellement redéfinir le rôle d’une flotte marchande moderne en temps de paix. Le gouvernement fédéral considérait toujours que les cargos constituaient une sorte d’assurance, au cas où un conflit armé devait éclater. Mais on ne pouvait aucunement prévoir quand et où un événement de ce genre aurait lieu, ce qui compliquait tous les plans détaillés. D’une part, on visait à conserver une flotte avec un minimum de capacité dont on disposerait à tout moment pour approvisionner le pays. D’autre part, on voulait pouvoir compter sur du personnel de bord suisse en cas de guerre. On lista tous les marins suisses qui avaient acquis une expérience suffisante. Cette liste était tenue par l’Office suisse de la navigation maritime, avec l’aval des autorités militaires. En cas de mobilisation, toutes les personnes inscrites sur cette liste auraient été exemptées du service militaire pour être mutées sur nos navires.
Comme la situation s’était normalisée et que le commerce mondial avait bien repris à la fin des années quarante, les navires suisses n’étaient plus tenus de garantir l’approvisionnement du pays. Nos armateurs durent faire évoluer leurs navires sur le marché libre. Dans un cas, deux vraquiers furent affectés, quelques années à un service pour ainsi dire de navette entre l’Australie et le Japon. D’autres navires furent confiés, via des affrètements à long terme, à de grandes compagnies d’armement en Europe et dans les pays d’Outre-mer, par exemple Hapag-Lloyd en Allemagne ou Saguenay Terminals (ALCAN) au Canada. Keller Shipping, à Bâle, créa ses propres services de ligne entre l’Europe, l’Afrique de l’Ouest et les ports de Méditerranée. Cette société représente aussi Lloyds of London en Suisse. Le BASILEA de la Compagnie suisse de navigation SA navigua sous un contrat à long terme, pour Rickmers à Brême, intégrant son service de ligne entre l’Europe et la Chine.
A cette époque, les conditions du commerce mondial étaient favorables et toutes les nations traditionnellement maritimes pouvaient développer et étoffer leur flotte. Les exploitants de la flotte suisse s’efforcèrent, eux aussi, de le faire, mais ils visaient surtout à augmenter les tonnages (plus gros navires). Le nombre d’unités oscilla légèrement, mais les tonnages augmentèrent régulièrement. Le 31 décembre 1974, la flotte suisse comptait 26 navires d’une capacité totale de 308 425 tonnes. En avril 1986, on comptait 34 navires qui totalisaient les 580 965 tonnes et avaient 9,5 ans en moyenne et le 12 février 1998, il n’y avait plus que 20 unités dans les statistiques officielles, mais les tonnages avaient grimpé à 769 745 tonnes. L’âge moyen des navires était de 10 ans.
En 1965, les Suisses à bord des navires marchands suisses constituaient 62 % de l’équipage, un record. En 1997, on comptait 393 personnes à bord de 19 navires, mais 11,7 % seulement avaient la nationalité suisse et six d’entre d’elles étaient capitaines. Le reste de l’équipage provenait des pays suivants : Allemagne (1 capitaine), Chili, Indonésie, Italie, Yougoslavie, Bosnie, Croatie, Philippines, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Espagne et Ukraine. Après l’enregistrement du vraquier VINDONISSA de 45 527 tonnes tjb en février 1998, ces chiffres changèrent légèrement.
Fait étonnant, le Lloyd's Maritime Directory recensait, en 1997, 27 compagnies d’armement enregistrées en Suisse. Elles possédaient ou exploitaient au total 277 (actuellement 278) navires de haute mer. A part les 20 sous pavillon suisse, ces navires étaient majoritairement enregistrés sous pavillon bon marché.
La détérioration longue mais constante des conditions de la navigation internationale ces dernières décennies a touché aussi la petite flotte suisse de haute mer. Certains armateurs ont abandonné leurs activités, d’autres ont mis leurs navires sous pavillon bon marché et ont donc cessé d’exister officiellement en Suisse. La victime la plus connue de ce développement fut la Compagnie suisse de navigation, autrefois en tête. Cette entreprise existe encore mais elle concentre ses activités sur la navigation rhénane, traditionnelle, mais modernisée.
Lorsque Noel Mostert publia en 1974 son livre Supership, le lecteur avait l’impression que la situation ne pouvait guère empirer. Mais il y eut peu d’évolution, la situation étant aujourd’hui parfois pire qu’en 1974. Bien sûr, il y a toujours eu des armateurs qui s’efforçaient d’avoir les plus hauts standards de qualité et de sécurité, des sociétés suisses étant encore dans cette catégorie. Il est difficile de dire de quoi sera fait l’avenir de la flotte suisse, on ne peut qu’espérer qu’elle ne va pas totalement disparaître.
Henri Walser / Cet article a été publié en anglais dans le SHIP'S MONTHLY d’avril 1999
De la fondation Swiss-Ships, nous aimerions ajouter la remarque suivante :
Le GENEROSO fut coulé dans le port de Marseille par une mine flottante le 19.09.1944.
Comme confirmé par le OFAE (Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays) à Berne, le MOUNT LYCABETTUS appareilla de baltimore le 11.03.1942 et disparu le 17.03.1942. D'après www.uboat.net, le vapeur quitta Baltimore le 13.03.1942 et fut rapporté disparu le14.03.1942, probablement torpillé par le sous-marin U-373.
L'ALBULA devait, avec le GENEROSO, amener des marchandises de Marseille à Barcelone en sécurité pour la Suisse. |