Lors d’un voyage de retour d'Afrique de l'Ouest vers l'Italie, en mars 1959, le SAENTIS devait décharger des arachides et des palmiers à huile à l'usine d'huile de cuisson "Astra" de Caronte, près de Marseille.
Cette fabrique d’huiles était située sur le canal menant de Port de Bouc (golfe de Fos) à l'étang de Berre (lagune située au nord-ouest de Marseille).
Pour plus de précisions, on notera que sur le Golfe de Fos, juste vis à vis de Port de Bouc, se trouve la ville de St. Louis du Rhône et au centre se trouve le port pétrolier de Fos. Au bout du canal menant à l'Étang de Berre se trouve la petite ville de Martigues. Une ligne de chemin de fer permet de traverser ce canal au moyen d'un pont tournant. L'usine à huiles Astra était juste derrière, sur la gauche.
Le SAENTIS avait remonté le canal et s'était amarré sur son flanc bâbord au quai de la fabrique d’huiles végétales.
Une fois son déchargement terminé, le navire a reculé vers le pont tournant, aidé par deux remorqueurs pour faire un 180° (demi-tour) un plus en aval dans le canal. Comme d'habitude, le pilote avait convenu du passage et de l'ouverture du pont avec la compagnie ferroviaire.
Alors que le navire était tracté en marche arrière vers l'ouverture du pont de chemin de fer, le gardien dudit pont a prématurément remis en marche le mécanisme de rotation pour fermer le pont bien qu’aucun train n'était attendu. Ce faisant, le pont a heurté le mât avant du SAENTIS, l’espar tombant sur le côté tribord du gaillard d'avant. Il a été dit plus tard que le gardien du pont avait un peu trop bu.
Le pont ferroviaire à l'état fermé, à l'arrière-plan l'usine d’huiles et l'HELVETIA (1965)
Source de la photo : H-P Schwab
Le pont tournant a été fermé alors que le navire était tiré vers l'arrière, à travers le pont, à partir de l'usine à huiles à l'arrière-plan.
Cette photo montre pourquoi le mât est tombé sur le tribord du gaillard d'avant.
Source de la photo : H-P Schwab
Lorsque le mât a commencé à se déchirer avec fracas, les marins du gaillard d'avant ont sauté vers bâbord ou ont couru se mettre sous le gaillard. Personne, ni sur le SAENTIS, ni sur le remorqueur, n'a été blessé ou n'a subi de préjudice. Le remorqueur avant a largué sa ligne de remorque et le remorqueur arrière a maintenu le navire en eau profonde en le tractant plus loin dans le bassin d'évitage. Puis, le remorqueur avant a repris sa ligne et la manœuvre de retournement a été terminée.
Après avoir été nettoyé du mieux possible, le SAENTIS a pu poursuivre son court voyage vers Marseille.
À Marseille, le cargo est resté un mois pour réparer le mât. Premièrement, le chantier naval a dû construire un nouveau mât, puis l'installer sur le navire, le faire tester par une société de classification et enfin de le mettre en service.
Pendant l'escale à Marseille, deux autres navires de la même compagnie d’armement, le MONTANA et HELVETIA se trouvaient également dans le port ; à cette occasion une grande "fête du démâtage" a été célébrée. On peut supposer que les armateurs étaient également heureux d’avoir reçu un nouveau mât, aux frais des chemins de fer français.
Quelque temps plus tard, à Venise, des grumes devaient être déchargées de l'arrière avec le propre matériel de charge du navire.
Alors qu'une bille particulièrement lourde était frappée, le câble de levage s’est défait du treuil, sans que la grume ne bouge. Un coup d’œil vers le haut a montré que c’était le mât arrière, rongé par les années, qui commençait à ployer. Une fois de plus, le SAENTIS a dû rester un mois au port jusqu'à ce que le chantier naval Arsenale de Venise ait installé un nouveau mât.
Cependant, la compagnie maritime a dû payer elle-même ce mât, car logiquement aucune assurance ne couvre de tels dommages.
SwissShips-HPS, Capitaine P. Accola, avril 2012
Traduction PAR, 2021
Sans mât avant
Le SAENTIS après l'accident, au port de Marseille
Après l’avarie de mars 1959 à Marseille
Vue générale de l’avarie
Le nouveau mât a été posé au moyen d’une grue flottante
Le mât et la bigue de force sont testés au moyen d’une citerne remplie d’eau ; cela permettait de connaitre exactement la charge utilisée par l’essai
Le SAENTIS entrant à Venise en 1959 avec un chargement de billes de bois en provenance d’Afrique de l’Ouest
Photos Saentis du Capitaine P. Accola †