Historique des navires
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Lancé le 20 juillet 1955 sous le nom de SILVAPLANA et mis en service le 24 avril 1956 pour le compte d'Oceana Shipping A.G., Chur (Armateur: Suisse-Atlantique Société d'Armement, Maritime S.A., Lausanne), Bâle. Apparaux: Mâts de charge: 2 x 10 tonnes SWL, 8 x 5 tonnes SWL, 1 x 2,5 tonnes SWL. Indicatif: HBDX.

Vendu le 23 juin 1969 au Capitaine Francesco Massa, Gênes, pour £ 200'000.- et rebaptisé CAPO MISENO. Indicatif: ICUF

1971: Vendu au Dottore Giovanni Carosini, Genova.

1976: Vendu à La Camogliese S.p.A. , Genova.

1978: Vendu à Overseas Shipping (Pte.) Ltd., Singapour et renommé HWA HO. Indicatif: 9VMG.

Le 25 octobre 1980, au cours du voyage de Singapour à Chinnampo, Corée du Nord, sous ballast, au cours d'une forte tempête, s'échoue puis se casse, 125 miles au sud-ouest de Pyöngyang, position lat 38°08' S et long. 124°40' E. L'équipage fut totalement sauvé.

Traduction:    † Francis Monnard

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Autres informations et anecdotes

UN PASSAGER CLANDESTIN
Souvenirs du Silvaplana, extrait du livre de P.-A. Reymond, « Lettres de mer ».

…. Quant à notre passager clandestin, Ahmed, il est dans sa cabine hôpital, enfermé, mais il ne dit rien. Il prend la vie du bon côté et il dort beaucoup, de jour comme de nuit.

Ahmed Saad se disait être né aux environs de 1911 à Benghazi en Libye. Il a été retrouvé à bord du Cruzeiro do Sul après l’escale de ce navire à Calcutta. L’homme prétend qu’il travaillait comme « watchman portuaire » lors de l’escale et qu’il s’est endormi avant le départ du navire…
N’en reste pas moins que les autorités indiennes n’ont jamais voulu l’autoriser à revenir sur le territoire du pays et que ce Levantin qui s’est retrouvé comme clandestin sur ce navire de la compagnie qui battait pavillon libérien.

Mon cousin, P.-H. Piguet, qui était alors tout frais 3e officier à bord du Silvaplana l’a fréquenté plus longtemps que moi et me disais ses souvenirs :

Je suppose que les Pachas, qui l’avaient enregistré sous le nom de « Amadeo Salino », en avaient marre du personnage et se le refilaient d’un navire à l’autre quand ils se retrouvaient dans le même port.

Le gars n’était probablement pas un mauvais bougre, mais il ne faisait rien de rien pour se rendre agréable à l’équipage. Il n’était guère aimé par personne. Pour commencer, ce barbu malpropre monopolisait notre hôpital, le « sick bay ». Donc, il disposait de toilettes et douche personnelle, privilège dont ne jouissait pas la bassa forza. Ensuite, le gars vivait comme un porc dans ce bouge qu’il ne nettoyait au grand jamais. Il paraît qu’on avait dans le passé cherché à le faire travailler pour rembourser au moins son toit et sa bouffe et qu’il aurait refusé. L’équipage n’avait encore une fois pas de grandes raisons de l’apprécier et il restait le plus souvent enfermé dans son infirmerie ; il ne sortait respirer sur le pont que le soir, après dîner.
Ses repas lui étaient apportés quotidiennement par le messboy.

Dans les ports, Immigration oblige, le gars restait enfermé sous clé dans son local. Dans les docks de Londres, il se trouva un jour cependant où le messboy oublia de refermer la cabine à clé après la soupe : Ahmed ou quel que soit son nom, en profita pour sauter dans l’eau froide et cloaquienne des docks, dans ses habits superposés, à la clodo, manteau et tout. Il fut repêché par les bobbies et raccompagne manu militari à notre bord.

Je n’avais moi non plus guère de raisons d’apprécier notre Maure, mais j’avais probablement un brin plus d’humanité que beaucoup. Il prétendait que l’un ou l’autre membre d’équipage lui avait tiré dessus à la carabine à plombs.

Je ne sais si c’était vrai, mais on trouve toujours des imbéciles de gros bras partout, sur les navires y compris.

Mes souvenirs sont flous, mais je crois qu’il avait apprécie de trouver une ou deux fois une personne à qui parler, lui qui restait ignoré et méprisé par tous. J’allai une ou deux fois converser avec lui dans son infirmerie repoussante pour tenter d’en savoir plus sur ses antécédents et sa vie. Le gars parlait, comme semble-t-il tous les Levantins, une demi-douzaine de langues.

Nous arrivâmes à Toronto et un jeune journaliste débutant monta à bord et sollicita du vieux la permission de faire un reportage sur notre navire : notre pavillon suisse était alors encore suffisamment intriguant dans la région pour justifier quelques lignes dans sa feuille de chou. Le vieux, un Italien sympa dont j’ai oublié le nom, me chargea de jouer les cicérones. Le lui fis faire la tournée d’usage : passerelle, machine et tout et c’est tout à fait par hasard, en passant devant le hublot de l’infirmerie, que je me souvins de notre clandestin. « Voudriez-vous rencontrer notre clandestin ? », lui demandai-je ingénument. Il sauta, bien entendu, sur cette occasion d’un possible scoop. Je ne connaissais alors rien au journalisme ni même ne connaissais le terme scoop. J’obtins la clé du messboy et le journaliste eut son interview et ses photos.

Le lendemain, le journal faisait sa première avec son article. Vinrent alors de nombreux autres journalistes, la télévision et tout les media. Le vieux me demanda bien des explications quand se présentèrent tous ces envahisseurs bardés de caméras mais on m’avait dit de montrer le bateau et ses occupants, alors moi j’avais suivi les ordres.
Ce mini-scoop franchit la frontière avec les EU ; des organismes d’entraide arabe s’émurent du sort de cet infortuné voyageur qui ne pouvait débarquer nulle part et les dons commencèrent à affluer. Pas des millions, entendons-nous, mais une somme coquette pour un sans-le-sou.

L’épilogue de cette histoire est que ce bastringue médiatique déboucha peu après sur l’obtention d’un passeport d’apatride ou assimile délivré par l’ONU et la compagnie put enfin se débarrasser légalement de son encombrant passager. J’avais alors songé que l’armateur me devait en fin de compte une belle chandelle et qu’il aurait pu songer à me témoigner un brin de reconnaissance. Il n’en fut rien !

Ahmed aura passé six années sur les navires de la Suisat.
Mon cousin n‘a bien entendu jamais reçu de médaille pour son acte. Il l’aurait cependant bien méritée, de même qu’un remerciement de l’armateur de se voir enfin libéré de ce qui était effectivement un problème pour la compagnie.


Extrait du livre « Lettres de Mer » de P.-A. Reymond© 27.11.2018

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