Pays continental sans côte maritime, la Suisse n‘en compte pas moins des navires de haute mer battant pavillon rouge a croix blanche dans les ports du monde entier. La flotte maritime suisse a été créée en 1941, durant la Deuxième Guerre mondiale, afin d‘assurer I‘approvisionnement du pays.
La première demande de création d‘un pavillon suisse pour des navires marchands date d‘il y a 150 ans. Un certain James Funk, ressortissant suisse émigré en Amérique et devenu capitaine de navire, demandait au Conseil fédéral I‘autorisation de hisser le pavillon suisse sur son bateau, le "Wilhelm Tell" (Guillaume Tell). Le gouvernement suisse donna son accord et chargea le Département militaire fédéral de créer le pavillon. Un Américain qui avait baptisé son navire «Helvetia» obtint le même privilège.
Un pavillon aux couleurs suisses revêtait une grande importance: la nationalité du bateau pouvait constituer une protection contre les pirates et, en temps de guerre, les cargos d‘un pays neutre pouvaient escompter la reconnaissance du statut de neutralité par les puissances maritimes. Ce n‘est cependant qu‘en 1921, à la Conférence sur les transports de Barcelone, que fut reconnu le droit de pavillon pour les pays non côtiers.
Mesures d‘approvisionnement à la veille de la guerre
Peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale, on croyait encore pouvoir s‘en sortir sans flotte maritime. Le 1 avril 1938, l‘Assemblé fédérale approuva une loi autorisant le Conseil fédéral ä prendre des mesures en vue d‘assurer le transport de marchandises en cas de guerre. Peu après fut créé l‘Office de guerre des transports au Département fédéral de l‘économie publique. Celui-ci était chargé d‘organiser l‘acheminement des cargaisons en provenance d‘outremer. Il affréta 15 cargos grecs — grands et modernes et navigant tous sous le pavillon de leur neutre patrie.
La Suisse ne comptait à l'époque que deux sociétés d‘armement. L‘entreprise commerciale lausannoise André & Cie possédait un céréalier, le «St-Cergue» (7600 tonnes), qui naviguait sous pavillon panaméen. La Schweizerische Reederei AG à Bâle disposait, pour sa part, d‘une flotte rhénane et de deux petits bateaux à moteur arborant pavillon néerlandais, l‘ «Albula» et le «Bernina» (413 tonnes chacun). Avec la participation de l‘Association suisse de l‘industrie gazière, elle acquit, au printemps 1940, deux nouveaux cargos enregistrés à Panama, le «Maloja» (année de construction 1906, 2650 tonnes) et le «Calanda» (1913, 7400 tonnes).
Après l‘entrée en guerre de I‘Italie et l‘invasion de la France, les Alliés bloquèrent tout le transport maritime marchand jouant un rôle pour notre pays. 21 cargos chargés de cargaisons destinées à la Suisse restèrent bloqués plus de six mois à Funchal (Madère) et dans d‘autres ports. Les Anglais réquisitionnèrent cinq bateaux grecs, mais autorisèrent la navigation des autres bateaux sur l‘Atlantique. A fin octobre 1940, au moment de l‘occupation de la Grèce, l‘Italie imposa à la Suisse de placer sous pavillon neutre ses bateaux Ioués à la Grèce. Le Conseil fédéral devait donc agir et c‘est ainsi qu‘il proclama, le 9 avril 1941, l‘«arrêté fédéral sur la navigation maritime sous pavillon suisse».
Au milieu de la tourmente
Des pertes étaient inévitables. Le cargo grec «Mount Lycabettus», affrété par l‘Office de guerre des transports, fut torpillé le 17 mars 1942 dans l‘Atlantique. Les 30 membres de l‘équipage périrent. Le 7 septembre 1943, le «Maloja» fut coulé au large de la Corse et trois marins trouvèrent la mort. Il avait transporté jusqu‘ alors quelque 40000 tonnes de marchandises destinées à la Suisse au cours de ses navettes entre Lisbonne et les ports méditerranéens de Gênes et de Savone. Le 22 avril 1944, des avions britanniques attaquèrent le «Chasseral». En novembre de la même année, Iorsque les Allemands firent sauter le port de Marseille, l‘«Albula» fut endommagé au point de couler. Le «Generoso» sauta sur une mine et son capitaine russe fut tué.
Le «St-Cergue» eut davantage de chance. Il put naviguer durant toute la guerre pour l‘Office de guerre des transports. Le 15 avril 1942, il put secourir dix naufragés du pétrolier norvégien
«Koll», le 27 juin 1942, 209 survivants du navire hollandais «Jagersfontein» et, le 25 mars 1943, 22 marins du cargo suédois «Industria».
A la fin de la guerre, la flotte comptait neuf unités. Il s‘agissait avant tout de très vieux et lents navires, de sorte qu‘ on se demanda s‘il était nécessaire de maintenir une flotte sous pavillon suisse. Les motifs d‘économie de guerre dominèrent lors d‘une procédure de consultation et, le 23 septembre 1953, les Chambres fédérales approuvèrent l‘ «arrêté fédéral sur la navigation maritime sous pavillon suisse».
Hans R. Bachmann *
* Hans R. Bachmann a été officier de bord et correspondant à l‘étranger. Il a publié en 1966 un livre intitulé "Navigation suisse sur les mers". II est aujourd‘hui journaliste/rédacteur à Greifensee.
La navigation maritime suisse en chiffres
La marine marchande suisse compte actuellement 13 vraquiers, 1 multi-rôles et 3 navires-citernes. Certains des cinq armateurs, naviguent également sous des pavillons étrangers. A la fin de 1998, il y avait en tout 319 marins, dont 27 Suisses (8,5 pour cent) sur les navires suisses. Quatre capitaines étaient de nationalité suisse. 5 des 48 officiers de bord étaient suisses, alors que dans les salles des machinés — où l‘effectif suisse était très important à l‘époque — on ne comptait plus que quatre Suisses sur 53 machinistes.
Pourquoi le métier de marin présente-t-il moins d‘attrait? Il est facile, aujourd‘hui, de visitier un pays lointain à moindre frais. En règle générale, les cargos ne restent plus que quelques heures dans les ports, lesquels, de surcroît, sont situés dans des zones industrielles peu intéressantes. A cela s‘ajoute le fait que les marins doivent fournir un dur travail par n‘importe quel temps et que leurs salaires sont bas, par suite de Ja globalisation de l‘économie.
© HRB 1999
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